La très longue marche |
|
07/05/2004
Après trois ans d’empoignades, les aménagements devraient être enfin visibles en fin d’année.
Un seul kilomètre de piste cyclable Delanoë en 2002, une petite dizaine en 2003… Et 1,3% des déplacements à vélo… Pas de quoi plastronner. D’autant que la Mairie avait déjà promu Paris «ville cyclable». Bonne blague: les vélocipédistes de Berlin, d’Amsterdam, voire de Londres en visite à Paris, ont modérément apprécié… Tout comme les Parisiens qui ont acquis un vélo (270000 en possèderaient un) puis l’ont remisé à la cave pour sauvegarder leur intégrité physique. Bertrand Delanoë lui-même reconnaissait que, sur ce front, ça pédalait plus que ça n’avançait.
«Demi-mandat, demi-mesures», soulignent les associations de cyclistes, dans une lettre ouverte adressée au maire le mois dernier. Eux se souviennent des promesses: «En 2001, la Ville annonçait 41 kilomètres de voies de bus élargies dans l’année. A peine plus de la moitié sont achevées. On attendait 6 "maisons Roue libre" en septembre dernier, 50contresens cyclables en 2003. On attend toujours!»
La vérité, c’est que les difficultés avaient été largement sous-estimées. A commencer par les jacqueries des automobilistes ou des commerçants toujours largement médiatisées par «le Parisien». Les résistances plus partisanes des élus de droite: Jean-Pierre Lecoq (6e), René Galy-Dejean (15e), Martine Aurillac (7e). Et parfois de gauche: Georges Sarre dans le 11e. Sans oublier les conflits de compétence avec les innombrables propriétaires de l’espace parisien : le ministère de la Culture sur la cour Napoléon au Louvre ou le Port autonome sur les berges de la Seine… Ou encore le droit de veto des gardiens du pur haussmannien, les architectes des Bâtiments de France, hostiles aux pistes cyclables. «Dans l’aménagement de la voirie, souligne Didier Couval, chargé des circulations douces au conseil régional d’Ile-de-France, le temps de concertation est dix fois plus long que celui de la réalisation des travaux.» Eric Marchandise, président de Réseau vert, estime d’ailleurs que la municipalité concerte trop. «On ne peut pas continuer à se laisser influencer par trois commerçants dans un quartier. Il faut accepter de faire des mécontents.» Facile à dire quand la Chambre de commerce et d’industrie part à son tour en guerre contre les sites propres…
L’autre clyclophobe, ce serait le Préfet de police de Paris, Jean-Paul Proust, seul responsable des grands axes parisiens. Du coup, la FUBicy (Fédération française des Usagers de Bicyclette) lui a décerné la haute distinction du «vieux clou rouillé» «du fait de son opposition systématique aux projets municipaux de création de contresens cyclables et du laxisme de ses policiers face à l’empiétement des voies vélo.»
Promis-juré, le décollage serait donc pour cette année. L’Observatoire des déplacements a constaté une augmentation de 36% des utilisateurs de bicyclettes à Paris en 2003 (1). Denis Baupin y voit le signe d’une «dynamique positive». «Notre priorité, explique-t-il, a été de développer les transports en commun. Nous avons réalisé 30kilomètres de couloirs de bus qui profitent d’ailleurs aux cyclistes. Maintenant nous passons à la vitesse supérieure.» De son côté, Jean-Luc Marchal, le monsieur Vélo de la Ville de Paris, justifie le temps passé à négocier pied à pied par une exigence qualité: «Une vraie piste cyclable, à mes yeux, c’est celle où une mère de famille avec un enfant sur le siège arrière peut rouler en sécurité.» On en est loin! Très loin ! Mais Marchal y croit. «ça ne sert à rien de faire des kilomètres de pistes si au milieu du trajet il y a un carrefour infranchissable. Nous nous attaquons aux points durs : Stalingrad, la Bastille, la Concorde, les quais de la Seine…»
(1) La plus forte augmentation de l’usage de la bicyclette à Paris, depuis 1977.
Lucie Geffroy
|